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25 ans de copropriété à travers les yeux d’un cofondateur du RGCQ

ENTRETIEN AVEC LE PRÉSIDENT ET COFONDATEUR DU RGCQ, L’AVOCAT ÉMÉRITE YVES JOLI-COEUR

Condoliaison

Réputé au Québec et en Europe francophone comme un des plus grands experts du droit de la copropriété, Me Yves Joli-Coeur est une des seules figures du milieu qui soit engagée avec autant d’énergie, de passion et d’éthique auprès du RGCQ depuis sa fondation.

Propos recueillis par Véronique Martel

Ayant participé à la création du Regroupement et agissant aujourd’hui comme son président, le parcours bénévole de l’avocat émérite dans un univers en constante évolution le place aux premières loges de cette histoire fascinante. Condoliaison l’a invité à raconter l’histoire qui constitue les assises solides d’un mouvement qui continuera de prendre de l’ampleur dans l’avenir.

Une structure en constante évolution

Condoliaison (CL) : Le RGCQ est né de votre rencontre avec des gestionnaires d’expérience, dont Raymond Ouimet, Jean Caron, Pierre César et Richard Presseault, et Jan Towarnicki. Que s’est-il passé en 1999 pour que vous décidiez de vous lancer dans ce qui allait devenir la plus importante association du secteur de la copropriété au Québec? Comment et pourquoi le RGCQ a-t-il vu le jour?

Me Yves Joli-Coeur : Notre motivation était de faire changer, de faire avancer les choses. Nous voulions être un critique constructif envers les défauts du législateur et un allié pour les parties prenantes qui souhaitaient prendre leurs responsabilités à bras-le-corps par souci de professionnalisme, de préservation du patrimoine bâti et de saine gestion. Il existait malheureusement à l’époque de grandes tensions entre les gestionnaires, les fournisseurs de services et les copropriétaires, sans parler du climat souvent difficile à l’intérieur même des syndicats de copropriété.

Je travaillais comme avocat auprès de ces gestionnaires et on s’est dit « Pourquoi ne pas créer un lieu où, par l’échange, par des conférences, par l’écriture, on pourrait lancer une véritable association qui serait adaptée aux défis de la gestion des immeubles en copropriété? » Donc on avait des gens qui étaient en quête de savoir. On avait des gens qui voulaient aussi un encadrement législatif pour leur profession de gestionnaire. Et on voyait bien également dans ces années-là que notre législation de 1994 n’évoluait pas au rythme des besoins du marché et du milieu. Dès lors, nous nous sommes tournés vers les élus à Québec pour les sensibiliser au besoin d’avoir un cadre législatif beaucoup plus performant.

CL : En 1999, le Regroupement des gestionnaires de copropriété du Québec avait une mission un peu différente de celle d’aujourd’hui. Les premières publications du Condoliaison, né en même temps que le RGCQ, font état du besoin du milieu des gestionnaires de « se regrouper pour partager expertises et expériences, mais aussi pour acquérir une formation, trouver un support d’appoint, éventuellement former une relève ». C’est au printemps 2005 que le nom devient celui d’aujourd’hui, soit le Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec. Comment cette transition s’est-elle effectuée et pourquoi?

Me Yves Joli-Coeur : Les copropriétaires, comme les gestionnaires, ressentaient un grand besoin de savoir et d’apprendre. Être copropriétaire n’est pas une profession! Le RGCQ a rapidement compris qu’il fallait être présent pour les copropriétaires aussi, car un copropriétaire est un administrateur en devenir et, par la force des choses, un gestionnaire de sa copropriété. 

Il était devenu évident que toutes les parties prenantes devaient se retrouver pour travailler ensemble. La grande question était « Comment fédérer des personnes de différents secteurs et de différentes régions? » La réponse se trouvait dans la place centrale à accorder aux valeurs de représentativité, d’ouverture et de dialogue entre tous les métiers et entre toutes les régions du Québec pour une vision plus globale de la copropriété. Encore aujourd’hui, c’est l’ADN du RGCQ.

D’ailleurs, les membres du conseil d’administration viennent de plusieurs branches professionnelles, et le grand succès de cette initiative est de faire briller ceux qui ont des choses à apporter. C’est la crédibilité de l’organisation. Cette contribution passe par Condoliaison, Condolegal.com et la présence de nos membres et collaborateurs sur la scène publique, que ce soit dans les médias, par des conférences ou des contributions à des revues spécialisées.

Le rôle du RGCQ dans l’espace public a toujours été le même, et nous sommes encore fidèles à notre motivation première. Grâce à son indépendance, le RGCQ assume des rôles essentiels de surveillance, prospective et perspective non seulement auprès de ses membres, mais également dans la société et auprès des décideurs.

CL : Cette année, le RGCQ a procédé à une refonte de sa gouvernance pour donner plus de force aux régions par l’intermédiaire des trois chapitres de Montréal, Québec et l’Outaouais. Qu’est-ce qui a motivé cette refonte?

Me Yves Joli-Coeur : À l’origine, on avait une association essentiellement montréalaise. Mais très rapidement, on a vu des gens de l’extérieur de Montréal s’intéresser au RGCQ.

Dans la région de Québec, une organisation structurée déjà existante militait aussi pour un meilleur encadrement législatif et de la formation. Donc le RGCQ est venu en appui pour les soutenir dans une optique d’accompagnement. En Outaouais, des membres qui participaient déjà aux activités du RGCQ ont décidé de se regrouper pour avoir une plus grande portée dans leur région et pour mieux se mobiliser. Autour des années 2006, 2007, 2008, donc, chaque région apporte déjà une grande richesse à la globalité de l’organisation.

D’abord, le RGCQ a bâti un lien de confiance exceptionnel avec les régions. La réforme de la gouvernance toute récente est venue consolider cette structure où les régions sont libres de leurs activités et portent leur voix. Le RGCQ, au sein duquel les régions sont fortement représentées, coordonne le tout et livre les services de manière uniforme et équitable à l’ensemble des membres.

Les membres au cœur du Regroupement

CL : La manière dont les services sont offerts aux membres a évolué aussi. Les grands rassemble - ments, les forums, les Journées de la copropriété ont tran quillement fait place à des activités de formation en petit groupe, dans les régions, puis en mode virtuel avec la pandémie. Toujours en lien avec la mission du RGCQ, les priorités historiques en matière de formation continuent de pallier des lacunes d’encadrement du gouvernement. La formation a pris de plus en plus de place ces dernières années parmi les services du RGCQ. Comment cela s’est-il passé au fil du temps et à quels besoins ces formations répondent-elles aujourd’hui? Comment le RGCQ a-t-il commencé à prendre les devants et à innover en la matière?

Me Yves Joli-Coeur : Avec le temps, c’est vrai qu’une grande part de la crédibilité du RGCQ s’est établie à l’aide des activités et événements. À l’origine, ces événements étaient très locaux, mais la COVID-19 et la technologie ont permis au Regroupement de se tailler une place sur la scène mondiale. Maintenant, des blocs de formation en ligne sont disponibles 24 heures sur 24 sur notre site web.

À l’interne, la formation est le fer de lance du RGCQ. Les besoins du milieu de la copropriété, les grands événements qui le secouent, ainsi que les occasions de collaboration à l’international sont les principaux moteurs de développement de nos formations. Nous avons des formations collégiales, en partenariat avec le Cégep de Saint-Laurent, et universitaires, à l’ESG UQAM, pour se concentrer sur le développement des compétences et la certification des métiers de la gestion de la copropriété. Nous développons en interne, ainsi qu’avec des collaborateurs et partenaires, des formations et des outils de vulgarisation.

À l’international, à la suite de visites de collaborateurs parisiens, une association avec l’École supérieure des professions immobilières (ESPI) a été mise sur pied pour explorer les normes énergétiques appliquées à la copropriété française et discuter de l’état de la réflexion sur la copropriété de façon transatlantique.

En avril 2023, quand la catastrophe des vices de construction des copropriétés du Faubourg Boisbriand a été révélée au public, il est devenu important de relancer la discussion sur les copropriétés dégradées et les formations sur les inspections préachat, le carnet d’entretien, le fonds de prévoyance, le fonds d’autoassurance et la bonne conduite des travaux de rénovation. L’actualité regorge malheureusement d’exemples appelant à une meilleure compréhension des enjeux spécifiques aux copropriétés, aux copropriétaires et aux gestionnaires.

En outre, les services sont de plus en plus personnalisés, et le RGCQ est fier de compter sur une équipe de conseillers et de conseillères d’expérience et de cœur – que nos membres sont nombreux à considérer comme notre plus grande richesse.

Des avancées majeures

CL : Vous avez parlé des priorités internes de renforcement des capacités et de l’accès à l’information. Quand le RGCQ se tourne vers l’espace public, à l’externe, quelles sont ses priorités?

Me Yves Joli-Coeur : Les enjeux historiques du RGCQ n’ont malheureusement pas encore tous été réglés. Par exemple, depuis sa création, le RGCQ réclame l’encadrement réglementaire et la formation professionnelle des gestionnaires de copropriété – ce que le gouvernement n’a pas encore fait. Cette lacune, le RGCQ s’efforce de la combler par la formation et l’information : partenariat avec des institutions volontaires pour offrir des cours collégiaux et universitaires, partenariats avec d’autres professionnels de l’habitation, codes de déontologie, formation continue, publication de guides et d’ouvrages de référence, etc. La créativité du RGCQ est immense, et la réponse des parties prenantes est rassurante quant à l’urgence d’agir sur ce dossier.

Interpeller les décideurs politiques est un des moyens d’action. Le RGCQ répond aussi toujours présent quand les décideurs viennent vers lui pour nourrir les réflexions publiques et les textes législatifs ou réglementaires en matière de copropriété et de logement collectif. Une des premières interventions du RGCQ auprès du gouvernement du Québec portait d’ailleurs sur le programme de maintien à domicile des copropriétaires de 70 ans ou plus. C’était en 2005!

CL : Ce rôle de critique constructif et de guide auprès du gouvernement, de manière neutre, indépendante et avisée, est devenu essentiel dans le paysage québécois. Quelles sont les grandes avancées et les grandes réalisations dont le RGCQ est le plus fier après 25 ans d’engagement?

Me Yves Joli-Coeur : En 2009, un grand chantier s’ouvrait enfin avec la mise sur pied du Groupe de travail sur la copropriété. La ministre de la Justice de l’époque, Kathleen Weil, mandatait la Chambre des notaires du Québec et d’autres juridiques québécois spécialisés en copropriété pour lancer une réflexion et proposer des pistes de solution sur la façon de faire évoluer notre législation. La notaire émérite Christine Gagnon, alors présidente de la Chambre des notaires, a fait appel entre autres à notre collègue au RGCQ, Me Michel Paradis.

C’est par la suite que Jean-Marc Fournier, qui avait pris la relève à la Justice, a souhaité aller de l’avant avec ce rapport en formulant la recommandation de mettre sur pied une consultation publique. Est créé le Comité consultatif sur la copropriété, dont j’ai été partie prenante, avec le mandat d’aller à la rencontre des Québécois et de les écouter sur le besoin de faire évoluer la législation en matière de copropriété.

Des audiences à Montréal et à Québec ont permis de recueillir les commentaires et les témoignages du grand public qui disaient, somme toute, que la loi est trop statique, qu’elle doit évoluer en matière de fonds de prévoyance, de prévision des travaux majeurs, de majorités en assemblée, entre autres. Le rapport final du Comité consultatif constitue l’assise des projets de loi 141 en 2018 et 16 en 2019. Le rôle actif du RGCQ au cœur des différents comités et groupes de travail a donné des résultats concrets.