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L’étude du fonds de prévoyance : un outil d’équité intergénérationnelle

Condoliaison

par Réjean Touchette,
technologue professionnel et cofondateur
Cossette & Touchette


Devons-nous prendre en considération les dépenses prévues dans 100 ans pour une étude du fonds de prévoyance ?


Une étude du fonds de prévoyance vise à déterminer les sommes justes et raisonnables qu’une copropriété doit provisionner afin que ce fonds soit suffisant pour couvrir le coût estimatif des réparations majeures et du remplacement des éléments de l’inventaire des parties communes. Contrairement au budget d’exploitation et d’entretien, qui sert à financer les dépenses courantes et répétitives, le fonds de prévoyance vise à financer des dépenses exceptionnelles. Le terme exceptionnel ne signifie pas qu’il s’agit d’interventions anormales et imprévisibles. Le terme exceptionnel s’applique au contraire à des interventions normales et prévisibles qui seront nécessaires dans un avenir éloigné et qui ne peuvent être financées par le budget courant, d’exploitation et d’entretien, sans créer un déséquilibre financier.

Le fonds de prévoyance est donc un outil visant à assurer une équité intergénérationnelle. Les sommes versées au fonds de prévoyance sont proportionnelles à l’usure normale des éléments des parties communes de la copropriété. Ainsi, pour une toiture d’une durée de vie de 25 ans, la copropriété devrait verser à son fonds de prévoyance, chaque année, un vingt-cinquième de son coût anticipé de remplacement. Ce calcul doit être effectué par un professionnel qui prendra en considération des facteurs, dont l’inflation, qui font en sorte que les sommes versées annuellement progressent au fil du temps.

Cette notion d’équité intergénérationnelle est fondamentale pour une copropriété. Sur une période de 25 ans, bon nombre des propriétaires vendront leur unité d’habitation et feront place à de nouveaux propriétaires. Ces derniers prendront la relève pour financer progressivement les grands travaux à venir. Il ne suffit donc pas d’avoir le financement requis à la veille de la réalisation des travaux, mais d’avoir, en tout temps, un financement proportionnel au vieillissement des composants des parties communes. Ainsi, pour reprendre notre exemple de la toiture, un propriétaire qui vend sa partie privative après 15 ans d’utilisation devrait avoir contribué au fonds de prévoyance afin de financer le remplacement du complexe d’étanchéité de celle-ci dans une proportion de 60 %, soit 15 ans d’usure sur 25 ans de durée de vie. Le nouveau copropriétaire prendra la relève et provisionnera le fonds de prévoyance pour la suite, selon les contributions prévues à l’étude.

Une réflexion amorcée par le RGCQ

Les questions suivantes se posent : Quelle période de couverture de l’étude du fonds de prévoyance assurera le respect du principe d’équité intergénérationnelle ? Devons-nous considérer les dépenses pour des travaux qui devraient être nécessaires dans 50 ans, dans 75 ans ou dans 100 ans, soit dans deux ou trois générations ? Pour répondre à ces questions, le RGCQ a réuni, en 2015, un groupe d’experts composé d’architectes, d’ingénieurs, de technologues professionnels, d’évaluateurs agréés et de gestionnaires de copropriété dont les conclusions ont été rendues publiques dans une Proposition finale d’un standard des études du fonds de prévoyance pour la copropriété au Québec.

Selon ce groupe d’experts, une étude du fonds de prévoyance devrait porter sur une période de 25 ans. Les prévisions des interventions et le coût de ces interventions perdent beaucoup de leur précision sur de trop longues périodes. La progression des facteurs d’inflation, la durabilité des composants face aux changements climatiques ainsi que les innovations technologiques qui verront progressivement le jour sont des éléments difficiles à cerner après une période de 25 ans.

Malgré ce fait, certaines interventions inéluctables, comme le remplacement des fenêtres et des portes ou des composants de la plomberie, peuvent nécessiter la mise en place d’un levier de financement de plus de 25 ans. Les interventions considérées après cette période devraient toutefois se limiter aux interventions d’une valeur significative. Ainsi, pour certaines interventions coûteuses, les experts consultés par le RGCQ estiment que l’étude du fonds de prévoyance devrait couvrir le cycle de vie des composants sur une période plus longue, sans toutefois excéder 60 ans.

Le professionnel qui effectue les calculs du fonds de prévoyance doit donc faire preuve de logique, de flexibilité et d’expertise technique, car cette personne doit déterminer la somme requise au terme de la période considérée par l’étude (25 ans) pour être en mesure de financer les grands travaux qui devraient normalement être effectués dans les années qui suivent cette période.

L’ajout à l’article 1070 du Code civil du Québec, mentionnant l’obligation de réviser les études du fonds de prévoyance tous les cinq ans, fait en sorte que les professionnels révisent périodiquement leurs prévisions et peuvent ajouter rapidement les nouvelles interventions, afin de permettre la mise en place d’un levier de financement adéquat. Cette nouvelle obligation pourrait amener le comité d’experts à revoir à la baisse la recommandation de considérer les dépenses coûteuses à prévoir dans 60 ans.

En attendant la réglementation du projet de loi 16

La réflexion amorcée il y a presque dix ans par le RGCQ est utile et pertinente. L’utilisation de ces standards par les professionnels, au cours des dernières années, a permis d’augmenter les sommes accumulées dans les fonds de prévoyance de plusieurs copropriétés. En attendant la mise en place des règlements de la loi 16, les standards du RGCQ devraient servir de guide pour la préparation d’une étude du fonds de prévoyance.